Il s’agissait de donner au peuple le moyen d’oublier sa triste condition au sein d’un événement « le grand carnaval » en lui laissant l’autorisation d’y participer. Dès 1888, des groupes de mulâtres et de gens de couleurs se réunissent pour fêter la fin de l’esclavagisme et oublier l’extrême pauvreté qu’est leur quotidien, au cours du « grand carnaval ». Des petites troupes nommées « rancho » se forment, assez timides au début, pour devenir la plus grande attraction du Carnaval de Rio, grâce à leur musique, leurs rythmes endiablés, leurs costumes chatoyants et féeriques.
Véritable victoire des classes les plus défavorisées afro-brésilienne, le Carnaval reste la première manifestation où l’identité culturelle de ces peuples est reconnue. Ainsi, le 28 avril 1928 est fondée la première école de samba, Mangueira, suivie par Unidos da Tijuca, Portela, et bien d'autres les années suivantes. En 1936, les écoles de samba obtiennent l'autorisation de parader dans le centre de la ville, Praça Onze, tandis que le carnaval bourgeois se tient sur la grande avenue principale. Finalement, les années 1950 confirment la victoire totale des escolas de samba. Le grand carnaval des aristocrates cède alors définitivement la place au carnaval populaire en imposant aux aristocrates des codes populaires, et un défilé, dominé par la danse et la musique d'origine africaine, auquel se mêlent d'autres influences culturelles d'origine indienne et européenne. À compter de cette date, le carnaval brésilien prend ainsi son envol pour grossir d’année en année jusqu’à devenir l’événement touristique que l’on connaît. À partir de 1963, ont été construits les premiers gradins, sur l’avenue Président Vargas, dont les places sont vendues au public.
Depuis, Rio de Janeiro est devenu le plus grand show carnavalesque médiatisé du monde. Pourtant Recife et Olinda restent des carnavals très populaires où la tradition est toujours bien présente, entre héritage européen et culture africaine. Le carnaval de Bahia, quant à lui est essentiellement imprégné de l’identité afro-brésilienne, dans un festival de rue qui rassemble plus de 2 millions de participants dans le rythme endiablé qui suivent les trios electricos !
Au Brésil plus qu’ailleurs, le carnaval est une bulle dans le temps, un moment de transgression ou tout est permis, la réalité est oubliée pour laisser place au faste, danseurs, musiciens sont parés de milles atouts, sans signe extérieur de pauvreté. Toute la ville tend vers le beau, la fête, les plumes, tout le peuple s’exprime par la danse, la transe, porté au paroxysme par la samba ! Une manifestation en forme d’exutoire pour tout le peuple brésilien qui le prépare pendant des mois pour offrir le meilleur. La communion de cet instant permet d’oublier toutes les inégalités qui persistent encore dans le pays. Une occasion particulière pour découvrir l’âme brésilienne !